SÛR
que ce fou rire, mêlé d'une appréhension légitime, a résonné
dans tout l'aéroport à Roissy. Depuis deux ans, Laetitia
Hubert n'a plus terminé une compétition officielle, excepté
deux participations à l'anonyme Trophée de Finlande. La
dernière fois qu'on l'a aperçue, c'était au Lalique, l'hiver
dernier, à l'occasion d'un programme court encourageant
sur la Tosca de Puccini (6e). Mais des inflammations répétées
aux chevilles, suivies d'une nouvelle opération, l'avaient
obligée à déclarer forfait pour le libre et le reste de
la saison.
Alors, à l'heure de prendre l'avion, mercredi, pour Toronto
et le Skate Canada - qui a débuté hier dans sa banlieue,
à Mississauga -, quand on a annoncé à la petite délégation
française qu'en raison des fortes tempêtes de la veille,
elle devrait peut-être renoncer au voyage ou envisager
un détour par Chicago, Laetitia Hubert a voulu considérer
le contretemps avec humour. Comme un nouvel obstacle à
ce retour parmi les meilleures patineuses du monde, qu'elle
espère avec le désir d'une petite fille qu'elle n'est
plus.
À vingt-six ans, toutes ces années de galère traversées
n'ont cependant pas altéré l'appétit de celle qui fut
championne du monde juniors en 1992. L'avenir de Laetitia
Hubert s'entrevoyait alors teinté d'or. Il a plus souvent
sombré dans la grisaille, le brouillard, la ter-rible
noirceur des doutes qu'une victoire dans le Trophée Lalique
en 1997 et deux incursions au 4e rang mondial n'ont pu
compenser. " Rien n'arrive par hasard, et j'imagine qu'il
me fallait passer par ces étapes ", estime-t-elle.
Derrière ce fatalisme perce pourtant une amertume mal
effacée, qui se concentre sur le bouleversement survenu
au printemps 1999. " On m'a enlevé mon entraîneur juste
avant une sélection pour les Championnats du monde ",
rappelle-t-elle. À l'époque, la mission de Jean-Roland
Racle, récemment évincé des Français-Volants et que Laetitia
Hubert avait suivi à Boulogne-Billancourt, venait de changer.
" Je n'avais pas d'argent pour partir où que ce soit.
J'ai donc appelé te club de Champigny ", poursuit-elle.
Sans doute alors ne pensait-elle pas quelle trouverait
auprès d'Annick Gailhaguet, de Pierre Trente et de leur
groupe d entraînement l'opportunité de relancer sa carrière.
En vrac, Laetitia Hubert énumère les raisons d'un nouvel
équilibre, qui l'ont libérée de ses atermoiements. Son
mariage, le 24 juin dernier, la douleur qu'elle a appris
à gérer. " Je suis toujours en rééducation, régulièrement
sous anti-inflammatoires, explique-t-elle. Mais tout le
monde en est conscient et s'adapte. " L'harmonie et l'émulation
qui règnent autour d'elle à Champigny, dans le Val-de-Marne.
" II y a plusieurs profs, un préparateur physique. mon
chorégraphe. Mais j'ai toujours besoin de Jean-Roland
et ils l'acceptent. Quand il y a un problème technique,
Jean-Roland passe, me corrige, en discute avec mes entraîneurs
qui en tiennent compte. " Une nouvelle entente qui a redonné
le sourire à Laetitia Hubert, consciente de ses limites
actuelles, mais confiante quant à ses capacités à renouer
avec le très haut niveau. " Je n'ai pas la prétention
de bousculer la hiérarchie qui s'est instaurée depuis
deux ans. clame-t-elle. Mais j'espère être régulière,
imposer mon nom pour l'année prochaine. "
II
sera alors temps d'envisager la saison olympique. De prouver
que la spirale qui l'avait plongée dans les profondeurs
des classements lors de ses trois premières tentatives
aux Jeux est bel et bien refermée.
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