De
notre envoyée spéciale à Mississauga (Canada) Céline NONY
LE
regard est gonflé, mais elle retient le torrent de larmes
qui menace. Avec force et conviction. Sans tristesse.
Tout juste animée par une rage sourde. Dans la danse originale,
Marina Anissina vient de commettre une bévue énorme. "
À croire qu'ils ne peuvent pas s'empêcher de mal débuter
une saison ", tente de plaisanter Muriel Zazoui. À vérifier,
surtout, que des champions du monde, même en danse sur
glace, restent des êtres humains capables de faillir.
"
J'ai fait une grosse bourde ce soir, admettra l'impétueuse
Marina en conférence de presse. Mais je ne suis pas inquiète.
Ce n'est que le début de la saison et on va encore progresser.
" Une manière de se réconforter, même si l'orgueil est
égratigné.
Pour
leur retour à la compétition, la première depuis le sacre
niçois d'avril dernier, Anissina-Peizerat étaient sensés
naviguer dans une étape du Grand Prix de tout repos. Leurs
dauphins de l'an dernier, les Italiens Fusar-Poli-Margaglio
et les Lituaniens Drobiazko-Vanagas, mais aussi leurs
éternels rivaux canadiens, Bourne-Kraatz, ont commencé
à s'écharper la semaine dernière, à l'occasion du Skate
America, et poursuivront la semaine prochaine à Gelsenkirchen,
en Allemagne. Le Skate Canada déserté, les Français ne
devaient être " inquiétés " à Mississauga que par les
Israéliens Chait-Sakhnovski, cinquièmes des derniers Mondiaux.
"
Mais ce sera la plus belle progression de la saison. Et
on a le chic pour débuter face aux révélations de l'année
", rappelle Gwendal Peizerat, évoquant le trouble causé
par d'impertinents Italiens à l'automne dernier, sur la
glace - inaugurale pour les Français - du Trophée Lalique.
Car Anissina-Peizerat ont pris la fâcheuse habitude de
flancher sur leur première sortie de la saison. " Marina
pose le pied sur le premier twizzle. " L'explication de
Gwendal Peizerat est toute bête, mais la conséquence de
ce geste banal aurait pu être fatale.
Le
nouveau libre dévoilé
À
l'entame de la médiane finale de petits pas, alors que
tout le reste du programme avait été réussi, la flamboyante
Anissina a perdu le contrôle. Un pied qui se pose, et
la voilà qui n'ose enchaîner le deuxième twizzle. Elle
s'arrête, regarde son partenaire, qui hésite à poursuivre
son évolution. Tous les deux perdent le fil et s'emmêlent
les crayons. La musique défile, il reste un porté à exécuter.
Il sera bâclé, sérieusement écourté pour qu'au moins le
duo termine dans les temps. " Ils me l'ont raté dans les
grandes largeurs ", confirme Muriel Zazoui, qui peste
au souvenir d'une autre médiane escamotée (par Gwendal
cette fois) dans la rumba de création de l'an dernier.
Vendredi pourtant, le verdict aurait pu être pire.
"
Les Israéliens auraient mérité de passer devant ", estime
Gwendal avec honnêteté. Car les élèves de Tatiana Tarassova
ont progressé cet été. Et leur quick-step était enlevé
et plutôt séduisant. Murée dans ses certitudes, Marina
Anissina ne souffrira pas la comparaison, préférant se
retrancher sur le niveau de préparation de chacun. " Eux,
ils ont élaboré leurs chorégraphies dès la fin des Championnats
du monde, alors que, nous, nous avons effectué les tournées
de l'équipe de France et de Tom Collins aux Etats-Unis
avant de nous y mettre ", dit-elle. Vrai, les Israéliens
sont déjà prêts, sans doute au maximum de leurs possibilités,
alors que les Français restent très perfectibles. Mais
il n'empêche qu'aujourd'hui, à l'heure du libre final,
Galit Chait et Sergueï Sakhnovski auraient peut-être mérité
de devancer les champions du monde.
Cela
dit, Marina Anissina a raison de ne pas trop se préoccuper
de ce faux pas. Ces deux dernières années, la danse originale
a toujours causé des soucis au couple français, qui dut
changer la musique de la valse avant les Championnats
d'Europe de 1999, puis ne cessa de tâtonner l'hiver suivant
pour présenter une composition latino qui contente ces
pinailleurs de juges. Mais le problème ne semble pas se
poser cette saison et les avis semblent unanimement favorables
au choix musical du quick-step, à la chorégraphie de Christopher
Dean et aux pas orchestrés par Mickael Stylianos, quintuple
champion du monde de danse de salon.
Un
point positif alors qu'aujourd'hui l'appréciation du jury
autant que du public obsédera davantage Marina Anissina
et Gwendal Peizerat. Ce soir, plus qu'une première victoire
dans le Skate Canada, les Français guetteront les réactions
face à leur nouveau libre, inspiré d'un opéra rock sur
la vie de Beethoven. Une chorégraphie jusque-là très secrète,
qui attise la curiosité des observateurs, même si la trame
et les éléments que les Lyonnais avaient accepté de nous
dévoiler en août dernier tendent à rassurer .
|